La loi de la minorité dans les SAS

La décision prise collectivement peut-elle aller à l’encontre de l’avis de la majorité ?

La décision d’augmentation du capital d’une SAS était le sujet de l’assemblée plénière de la Cour de cassation qui s’est réunie dans sa formation de jugement la plus solennelle, le 11 octobre 2024, après la rébellion de la cour d’appel de Paris qui n’a pas suivi l’arrêt de cassation du 19 janvier 2022.

L’avis de l’avocat général Jean Lecaroze est assez tranché : l’article L 227-9 du code de commerce prévoit la nullité d’une telle décision qui n’a pas été prise collectivement.

Par « collectif », le texte dit-il que la majorité simple des voix doit être obtenue ? Pas nécessairement selon les arrêts du 20 décembre 2018 et du 4 avril 2023 de la cour d’appel de Paris.

Dans cette affaire, 46% des voix a suffi à faire adopter la décision d’augmentation de capital malgré le vote majoritaire défavorable de 54%.

Ce « coup de minorité »a été rendu possible par l’application d’une clause des statuts : au moins un tiers des voix est favorable à la décision, la condition statutaire de seuil est donc satisfaite.

La SAS est la forme de société la plus répandue probablement parce que ses associés sont plus libres dans la rédaction des statuts. La répartition du pouvoir de décision est décidée contractuellement, notamment pour satisfaire des minoritaires investisseurs.    

En défense, Me Sebagh a plaidé en faveur de l’application du seuil d’un tiers des voix fixé dans les statuts, brandissant le principe de la liberté contractuelle, après avoir rappelé que la loi ne prévoit pas la règle de la majorité. Cette absence n’est pas, selon lui, un silence à combler mais l’espace de liberté qui est laissé aux associés d’une SAS, lesquels peuvent fixer une minorité qualifiée pour sortir d’une situation de blocage.

En demande, Me Stoclet a rappelé le cadre que la chambre commerciale de la Cour de cassation a édicté dans son arrêt du 19 janvier 2022 dans cette affaire : « cette liberté dans la rédaction des statuts trouve sa limite dans la nécessité d'instituer une règle d'adoption des résolutions soumises à l'examen collectif des associés qui permette de départager ses partisans et ses adversaires ». Puis, il a présenté les risques de la clause stipulant que moins de la moitié des voix suffit à faire adopter la décision : les partisans et les adversaires peuvent simultanément remplir la condition de seuil, entraînant alors une paralysie.

L’avocat général a ajouté, en faveur de la règle de la majorité simple ou de l’unanimité, que cette clause donne un pouvoir considérable au rédacteur de l’ordre du jour de l’assemblée qui peut obtenir les votes suffisants selon si la question est formulée sous forme positive ou négative.

L’Ansa a également émis un avis en faveur de cette thèse, même si les membres de son comité n’étaient pas unanimes.

La portée de l’arrêt, qui sera rendu le 15 novembre 2024 par l'assemblée plénière de la Cour de cassation, pourrait être limitée aux SAS, ce qui est préconisé par l’avocat général, ou s’étendre au droit commun des sociétés.

L’arrêt à intervenir est évidemment très attendu tant il pose de redoutables questions.