À l’occasion de deux affaires de droit social interrogeant le bien-fondé des licenciements décidés par l’employeur, la Cour de cassation se penchera sur la question de savoir si le juge civil peut prendre en compte des preuves que les parties ont obtenues de façon déloyale, par exemple à l’insu d’une personne, en recourant à un stratagème, de manière clandestine ou en violation de la vie privée.
Dans la première affaire, l’employeur a soumis au juge l’enregistrement sonore d’un entretien réalisé à l’insu d’un salarié au cours duquel ce dernier a tenu des propos ayant conduit à sa mise à pied. La Cour de cassation décidera si cet enregistrement, qui fait état de propos ayant conduit à son licenciement, constitue une preuve valable devant un juge.
Dans la seconde affaire, pour tenter de justifier le licenciement pour faute grave, l'employeur s'est prévalu d'un message Facebook découvert par un autre salarié sur le compte Facebook qui était resté ouvert sur un ordinateur. Il s'agit ici d'apprécier si un message électronique envoyé sur le réseau social, à l’origine d’un licenciement, constitue une preuve valable devant un juge alors que la communication d'un tel message porte atteinte à la vie privée de son auteur.
La Cour de cassation a consacré un droit « à la preuve », c’est-à-dire la possibilité donnée aux parties à un procès de présenter leurs preuves.
Mais, l'administration de la preuve ne doit pas se faire au détriment du principe de loyauté.
Dans un arrêt du 7 janvier 2011, la Cour de cassation a jugé, au visa de l'article 9 du code de procédure civile, de l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et du principe de loyauté dans l'administration de la preuve, que "l'enregistrement d'une communication téléphonique réalisé à l'insu de l'auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal rendant irrecevable sa production à titre de preuve".
Selon cet arrêt, lorsqu’une preuve est recueillie à l’insu d’une personne, grâce à une manœuvre ou à un stratagème, un juge ne peut pas en tenir compte.
Nous attendons de savoir si la Cour de cassation va renouveler sa jurisprudence. Va-t-elle admettre qu’une preuve obtenue de manière déloyale peut, sous certaines conditions, être soumise au juge ?
Avec la multiplication des messages via les nouvelles technologies, cette question est très attendue. L'audience tenue devant l'assemblée plénière de la Cour de cassation a été filmée et rediffusée sur le site institutionnel (https://www.courdecassation.fr/toutes-les-actualites/2023/11/21/audience-filmee-valeur-devant-le-juge-civil-dune-preuve-obtenue-de)