Comment la cour d'appel de Paris favorise l'amiable en matière économique et commerciale ?

Dans le cadre de son cycle de conférences dédié à la justice amiable, la cour d’appel de Paris a organisé un colloque, le 29 février 2024, consacré à la matière économique et commerciale.

D’éminents intervenants ont partagé leurs réflexions sur la pratique de l’amiable et l’office du juge, notamment dans les contentieux relatifs aux conflits entre associés et aux baux commerciaux.

Madame Brigitte Brun Lallemand, première présidente de chambre et coordinatrice du pôle économique et commercial de la Cour d’appel de Paris, a rappelé, en introduction, que la solution amiable n’est pas un déni de justice et que le procès est la chose des parties, lesquelles en gardent le contrôle en choisissant l’amiable.

Madame Natalie Fricéro, professeure des universités et membre du Conseil national de la médiation, invite les avocats à adapter leur accompagnement pour donner une chance à la nouvelle audience de règlement amiable instituée par le décret du 29 juillet 2023 et visée dans la circulaire du 17 octobre 2023. Elle souhaite que tous les outils de l’amiable soient intégrés dans l’office des juges de toutes juridictions.

« L’amiable est un mode de résolution de qualité » : la présidente du Conseil national de la médiation, Madame Frédérique Agostini, a annoncé que ce nouvel organe s’attachera en 2024 à identifier un socle commun pour la déontologie et la formation des médiateurs et à préciser les conditions de leur inscription sur les listes des cours d’appel.

Interrogé sur les pistes de développement de l’amiable devant la chambre de la cour d’appel de Paris spécialisée dans les contentieux de droit bancaire et boursier, Monsieur Vincent Braud, président de chambre, est favorable à l’institution de permanence de médiateurs lors des audiences.

Monsieur Franck Gentin, ancien président du tribunal de commerce de Paris, s’est exprimé sur la compétence économique du juge consulaire au regard de son expérience professionnelle. Les procès peuvent entraîner la destruction de valeur et s’avérer un jeu à somme nulle.

S’agissant des conflits entre associés portés devant la chambre de la cour d'appel spécialisée en droit des sociétés, Madame Sophie Mollat, présidente de chambre, a rappelé la nécessité d’aider les parties à trouver une solution de sortie autour de l’intérêt de la société.

Monsieur Michel Germain, professeur d’université, a proposé la rédaction d’une clause de médiation dans les statuts de SAS pour favoriser l’amiable, une obligation contractuelle pouvant s’avérer particulièrement intéressante au regard des décisions rendues par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 8 novembre 2016 et par la cour d’appel de Paris le 5 janvier 2022.

Comme l’a exposé le président d’honneur du Conseil national des compagnies d’experts de justice, Monsieur Didier Faury, le traitement de la séparation d’associés dépend des stipulations prévues éventuellement en amont, dans les statuts ou dans une convention extra-statutaire telle qu’un pacte d’associés. Une médiation est bénéfique pour traiter globalement des litiges distincts, ceux portant par exemple sur le licenciement de l’associé salarié et sur le rachat de ses titres consécutif à l’application du « bad leaver ». Monsieur Didier Faury précise également que le recours fréquent d'un expert dans la médiation nécessite de formaliser son intervention, en l’absence de cadre légal, notamment sur la confidentialité des informations recueillies, sur le périmètre de sa mission et sur le caractère opposable de son rapport.

La médiation est utilisée pour résoudre les conflits relatifs aux baux commerciaux, selon Madame Nathalie Recoules, présidente de la chambre de la cour d’appel de Paris spécialisée en propriété commerciale. Les parties ont une préoccupation commune : la valorisation, celle d’un actif pour le bailleur, celle d’un fonds de commerce pour le preneur. Elle rappelle par ailleurs qu’en cas d’échec de la tentative amiable, la fixation du dossier sera prioritaire.

Madame Sophie GUILLARME, présidente de la 18ème chambre du tribunal judiciaire de Paris, précise que les parties peuvent entrer en médiation à tout moment de la procédure, même entre l’ordonnance de clôture et les plaidoiries.

Monsieur Claude Amar, médiateur et entrepreneur, voit dans la médiation la possibilité de créer de la valeur plutôt que d’en détruire, notamment au regard des intérêts communs du bailleur et du preneur. Il insiste également sur l’existence d’un partenariat entre ces deux parties qui perdure, en tout état de cause, jusqu'à la fin du bail, et que la médiation peut préserver. L’avocat a une place fondamentale dans le processus : il prépare les séances de médiation avec son client, il est le garant de la faisabilité juridique des solutions alors que le médiateur est le garant du processus.